Se défouler sur un panier de basket

La première journée de cours avait été fortement ennuyeuse. Le passage obligé que lui avait imposé la secrétaire avait duré un temps sempiternel, de fait qu'elle était arrivée en retard en cours de musique.
Et les autres profs n'étant pas encore arrivés, elle n'eut pas d'autres cours de la journée. Elle se retrouva à la bibliothèque au lieu des toilettes et se passiona pour un livre. Elle dévala les escaliers et se précipita aux toilettes. Finalement, elle décida que cela n'était pas trop ignominie que de demander un plan à la secrétaire fan de kanjis.
Elle se promena ainsi, jetant un coup d'oeil de temps à autre au plan et notant mentalement l'emplacement des différentes pièces.
Vers 18 heures elle se retrouva face au concierge et, lorsque'il lui demandait ce qu'elle faisait devant le bureau du directeur (elle était revenue à son point de départ après avoir fait le tour de l'orphelinat) elle lui dit qu'elle avait l'intention de lui demander l'autorisation de jouer au basket dans le gymnase.
Il alla consulter le directeur.
Le concierge lui dit que c'était d'accord et l'accompagna et lui dit qu'il fermerait les entrées du bâtiment central à 21 h 30, de ce fait, elle avait intérêt à être rentrée avant cette heure là.
-Bien monsieur, dit elle, se retenant de faire un salut militaire.
Le concierge s'en alla et l'adolescente pénétra dans les vestiaires.
Elle sortit de son sac un maillot vert à manches courtes et un pantalon de jogging assorti. Elle s'habilla, laça ses chaussures de basket et passa la porte de la salle de sport.
Haute de plafond, les murs repeints d'une couleur crème se voulant neutre, la salle devait avoir une vingtaine d'années.
Les gradins étaient vides, de la même couleur beige que les murs.
Il y avait un local, à droite, où étaient rangés des agrès, des tapis et un beau fatras de même nature.
Dans une armoire située à côté d'un tableau blanc où les entraîneurs notent les stratégies, étaient contenues des balles de foot, de rugby, de handball, de volley et, tout au fond, de basket-ball.
Eleonor en prit l'une puis l'autre, les soupesa et dribbla avec. Finalement elle en prit une qui lui convenait et se dirigea en dribblant vers un panier.
Elle s'entraina ainsi pendant une petite heure, tirant de divers endroits, courant dans tous les sens, la balle à la main, quand les rayons du soleil devinrent trop affaiblis pour ses yeux.
Elle posa alors sa balle et chercha un interrupteur, plissant les yeux dans la pénombre. Elle fit le tour de la salle en silence et celui-ci la rendit plus attentive aux sons les plus étouffés. Tandis qu'elle craignait d'avoir à interrompre son entraînement beaucoup plus tôt qu'elle ne l'avait prévu, elle crut entendre une porte claquer.

Mya venait d'arriver. Quand ses yeux furent habitué a la lumière, elle vu l'adolescente qui l'avait menée aux dortoirs. La jeune fille aux pupilles violettes laissa échapper un soupir de désespoir. Elle avait fait le tour de l'orphelinat sans voir personne, ce qui la soulageait. Mais, en arrivant dans le gymnase, Mya avait apercu l'autre. Et, surtout, notre adolescente ne voulait plus parler a qui que ce soit. Mais, bien décidée à faire le tour du gym quand même, elle n'alluma pas les lumières et entrepris de regarder autour d'elle. Elle n'avait jamais vu un gymnase aussi grand. En fait, elle n'avait jamais vu de salle d'éducation physique de sa vie.

Eleonor trouva enfin un interrupteur et appuya dessus. La lumière se fit et elle vit la jeune fille aux longs cheveux de jais. Celle-ci observait la salle, peut-être ne s'en rendait-elle pas compte mais elle avait l'air niais comme cela.
Eleonor alla à la rencontre de la jeune fille et lui souhaita le bonsoir.
L'autre avait l'air quelque peu agacé à présent. Elle était certainement solitaire.
Eleonor décida de la laisser s'occuper d'elle même seule, puisque c'était ce qu'elle semblait souhaiter.
Elle retourna vers son ballon et recommença à dribbler en songeant de quel moyen elle pourrait jauger l'autre.
Le lendemain, elle n'aurait qu'à se placer à côté d'elle en cours. Elle marqua un trois points en souriant à cette perspective amusante.
Elle alla aux toilettes, but de l'eau au robinet et décida de faire un peu de renforcement musculaire.
Elle chercha pour ce faire un tapis et, quand elle revint au milieu de la salle, la fille aux cheveux noirs était près des gradins. Elle la regarda furtivement puis se rendit compte qu'elles n'étaient pas seules.
Emily Wenkins, son acolyte retardataire venait de faire son entrée, accompagnée de son loup. Celle-ci avait l'intention de pratiquer la boxe, au regard des gants accrochés à son frêle cou.
Eleonor rattrapa son ballon et se dirigea vers l'adolescente atteinte de cécité :
- Bonsoir Emily... et... le loup
Elle ne se rappelait plus du nom de l'animal, où peut-être ne l'avait elle pas encore entendu.

-Bonsoir J’aimerais un peu m’entrainer alors je vais m'y mettre si tu le veux bien
- Eh bien vas-y ! dit-elle avec entrain, car, heureusement, la nouvelle arrivée ne souhaitait pas d'aide. Si Eléonor était venue au gymnase, ce n'était pas pour faire sa B.A. de la journée.
Evidemment, si Emily avait démontré un besoin de coup de main, elle lui aurait donné. A contrario, avec ses gants de boxe pendus à son cou elle semblait avoir envie d'en donner, des coups de main.
D'ailleurs, et cette pensée la fit s'arrêter, son tapis en main sur l'une des diverses lignes colorées qui délimitaient les différents terrains de jeu, qu'est-ce que la jeune fille au loup souhaitait frapper avec ? Si c'était un punching-ball, la basketteuse en avait vu un au fond du local, derrière une poutre de gymnastique. A moins que son loup ne l'aide, Emily aurait du mal à le trouver.
Eleonor haussa les épaules, s'installa et commença à effectuer des abdominaux. Au bout de quelques minutes, alors qu'Emily et son loup finissaient un énième tour de salle, elle se leva, rangea son tapis sur un chariot situé dans le local et déposa quelques plots pour faire un slalom et autres rivers.
A cette occasion elle jeta un coup d'oeil à l'endroit où se trouvait la fille aux nattes. Elle n'était plus là.
N'avait-elle pas l'intention de faire du sport ?
Eleonor secoua la tête, de toutes manières, la seule personne présente qui aurait pu trouver ce comportement étrange était aveugle.
Elle chassa ces pensées ; pourquoi fallait-il qu'elle se préoccupe d'autrui, surtout d'inconnues faisant preuve d'autonomie ?

Emily avait crié au moment où Eleonor tirait. Elle l'avait réellement effrayée et elle fit tomber un plot, la balle lui ayant échappé des mains. La grande brune se retourna, regarda tour à tour la fille et le chien, grimaça en remarquant qu'Emily ne tournait pas son visage vers elle et alla ramasser la balle.
Elle se releva et, tentant de cacher son agacement, dit :
-Euh.. Oui bien sûr, j'en ai vu un tout à l'heure.
Elle se dirigea vers le local, d'un pas léger,comme à son habitude, après tout, le loup conduirait sa maitresse.
Elle passa sous la poutre écarta un autre agrès dont le nom lui était inconnu, et saisit le punching-ball.
Elle le fixa un instant, se retourna et interpella Emily :
-Je te le ramènes ?
Elle n'attendit pas de réponse à sa question, qu'elle considérait d'ailleurs presque comme une affirmation, et ramena le punching-ball.
Mais Emily l'arrêta et lui dit que ce n'était pas la peine, qu'elle n'avait qu'à lui dire où il se trouvait.
- Il y en a un à manche derrière la poutre dans le local et... ah Il y en a aussi un, un sac dans l'armoire à droite du local, expliqua Eleonor, venant d'apercevoir le second punching-ball.

Emily lui faisait à présent un grand sourire un peu désolé, d'avoir à solliciter de l'aide.
Ce qui agaçait Eleonor, ce n'était pas la cécité de la boxeuse, mais d'être obligée de montrer de la sympathie. Ses pensées sont toujours confuses. Car c'est dans sa nature de se préoccuper d'autrui, mais elle ne peut s'empêcher de la réprimer. On lui attribuait souvent un coeur de pierre, elle n'était pas expansive pour un sou. Bienqu'elle en eut souvent l'envie, elle n'enlaça jamais son père, et ne pleura à sa mort, que sous la pluie ou la douche.
Quand une vieille dame allait traverser la route, elle la repérait tout de suite, mais au lieu de lui porter secours, elle attendait de voir s'il n'y avait personne d'autre qui en avait l'intention. Et cela était vrai pour toutes choses, tous services à rendre.
Ici, puisque la fille aux iris zinzolins était introuvable, et qu'Emily s'adressait clairement à elle, elle ne se fit pas prier et décrocha le sac.
Cela pesait très lourd et après quelques pas maladroits, elle observa alentour où un emplacement était prévu pour l'accrocher.
Par manque de pot, le crochet qu'elle aperçut était de l'autre côté de la salle. Elle avança lentement, avec maladresse et en haletant de plus en plus. Arrivée à destination, à bout de souffle, elle fit connaître l'endroit où le punching-ball se trouvait à la jeune fille qu'elle connaissait à présent le mieux de l'orphelinat.
D'un côté, le fait d'avoir porté ce sac avait raffermi son entrainement.
Contente d'avoir aidé quelqu'un, qui, de plus ne pouvait discerner sa complaisance, elle rangea les plots avec enjouement et s'entraîna à nouveau au lancer-franc.